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la variante chiliennePrésentation de l’éditeurIl était une fois un homme qui rangeait ses souvenirs dans des bocaux. Chaque caillou qu’il y dépose correspond à un événement de sa vie. Margaux et Pascal, un prof et son élève, le rencontrent à l’improviste. Des liens d’amitié se tissent au fur et à mesure que Florin extrait des bocaux ses petits cailloux. À Margaux, l’adolescente éprise de poésie et à Pascal le philosophe perplexe, l’homme aux cailloux raconte. L’histoire du village noyé de pluie pendant des années. Celle du potier qui voulait retrouver la voix de Clovis dans un vase. Celle de la piscine transformée en potager. Celle de la cueillette aux noix par hélicoptère. Ou encore celle des pieds nickelés qui se servaient d’un cimetière pour trafiquer…

Éditions Alma – 257 pages

Depuis ce jour, le 20 août 2015, en librairie.

Ma note : 5 / 5 mention Coup de cœur

Broché : 18 euros

Ebook : 12,99 euros

Avec La variante chilienne, les vautours du second roman ne vont pas faire gras ; nulle malédiction à l’horizon puisque après une entrée en littérature remarquée, Pierre Raufast réitère l’exploit littéraire et transcende même son talent en offrant un livre encore plus jubilatoire que son premier roman multi-primé La fractale des raviolis (à paraître le 27 août aux Éditions Folio). L’ingénieur informaticien diplômé des Mines de Nancy prouve, si besoin était, que science et littérature ne sont pas incompatibles.

Dans ce nouvel opus, l’on retrouve ce qui apparaît comme une marque de fabrique doublée d’un vrai style : un enchaînement d’histoires étonnantes, tantôt réalistes tantôt fantasques, qui partent dans tous les sens et vont pourtant toutes dans la même direction. Pour autant, cette rafale de récits ne peut en aucun cas être taxée de redite, ne suivant aucunement le modèle gigogne de son aînée. À l’instar de son prédécesseur, le titre semble également de vouloir rien dire, et pourtant…

Articulée autour d’un trio attachant de personnages, le récit alterne la narration de Pascal, les souvenirs contés de Florin et le journal intime de Margaux. Entre un démarrage aux allures de Lolita nabokovienne, des cailloux façons Petit Poucet ou encore des clins d’œil à La fractale des raviolis, sans compter les multiples références directes à telle ou telle œuvre littéraire, La variante chilienne est une déclaration d’amour profond aux livres et à la littérature – les amoureux de l’analyse de texte ne manqueront d’ailleurs pas de remarquer le summum de la mise en abyme : Florin est une Shéhérazade des temps modernes avec ses quelque 4000 souvenirs qu’il conte la nuit (fictifs donc puisque inventés par Pierre Raufast) / Les Mille et une nuits sont l’exemple même de la mise en abyme puisque Shéhérazade raconte les histoires de personnages qui content eux-même quelque chose / la mise en abyme est possiblement géométrique et c’est ce qu’on appelle : une fractale !…

Mais La variante chilienne est avant tout une belle histoire d’amitiés, sensible et humaniste. Sous couvert de sobriété, de légèreté et parfois même de grivoiserie via des anecdotes truculentes, c’est une réflexion délicate et profonde sur la mémoire, individuelle ou collective. Somme de nos souvenirs, doit-on pour autant se réduire à cette définition, les maudire ou les sacraliser au risque que ce passé empêche de profiter du présent et d’envisager l’avenir ? D’autant qu’il  « y a toujours plusieurs histoires pour une seule vérité »…

Pierre Raufast possède l’incontestable don de l’écriture et fait montre d’une vraie originalité dans le paysage littéraire français contemporain. Il compose des livres addictifs mais, c’est bien là tout ce qu’on peut leur reprocher, toujours trop courts. Bourrés de poésie, de douceur et d’humour, on ne peut que leur apposer l’étiquette de feel good book même si Raufast est inclassable.

Poussant la facétie jusqu’à son paroxysme, ce conteur dans l’âme, qui évoque dans son roman le jeu de cartes la Capatéros sorti tout droit de son imagination, est même allé jusqu’à créer un article Wikipédia pour en donner les règles. Taxé de « vandalisme sournois » par les administrateurs du site, il a été censuré – la crédibilité de l’encyclopédie en ligne est sauve ! -, mais les plus curieux peuvent retrouver cette notice factice sur le blog de l’écrivain.

Last but not least, le blog Adepte du livre figure dans la page des remerciements ! et re ! Le romancier entretient une vraie proximité avec ses lecteurs par l’intermédiaire des réseaux sociaux et n’hésite pas à saluer dans son livre comme sur son site le soutien des blogueurs à l’occasion de la rentrée littéraire passée (et réédité cette année). J’ai même eu le privilège de recevoir une histoire inédite rien que pour moi, inspirée d’une photo que j’avais postée sur Twitter ! Jaloux ? Et bien si vous souhaitez pouvoir ajouter à vos souvenirs ce genre de jolie rencontre littéraire, il vous suffit de suivre mes conseils : achetez un premier roman, soutenez-le, puis achetez le second livre de l’auteur. Alors, peut-être…

D’ores et déjà coup de cœur de la rentrée littéraire 2015 Cultura et sélectionné pour le Prix du Style 2015 et la Fête du livre du Var 2015, et ce n’est à n’en pas douter qu’un début, La variante chilienne est définitivement une valeur sûre de cette rentrée. Et la seule opportunité de savoir pourquoi Jorge Luis Borges n’a jamais eu le prix Nobel de littérature…

Vous aimerez sûrement :

La fractale des raviolis de Pierre Raufast, La Vie de Régis de Sá Moreira, Le liseur du 6h27 de Jean-Paul Didierlaurent, Roman de l’au-delà de Matthias Politycki, Les Indomptées de Nathalie Bauer, Debout-payé de Gauz, Zora, un conte cruel de Philippe Arseneault…

Extraits :

Je continue à lire. À chercher. J’ai lu des dizaines de livres sans me trouver.

Récemment, j’ai cru déceler en Eugène Onéguine ce même vague à l’âme. Cet ennui pour la civilisation, les gens, l’agitation. Mais Pouchkine évoque cet ennui comme la suite d’une jeunesse turbulente. Eugène est blasé de l’amour, de la vie et de ses plaisirs. Je ne suis jamais passée par cette cas-là. J’ai le mal du siècle depuis mon enfance. Depuis mes six ans. Je désespère.

Hier, je suis arrivée à la campagne avec Pascal. Je sens que nous allons faire une cure de lecture : côté livres, il est encore pire que moi ! Sa vie est un gigantesque patchwork de ses lectures. Impossible pour lui de lever le petit doigt sans ressusciter des mots et des phrases. Sa culture fait écran entre lui et le monde réel.

– Blaise Pascal était un con.

C’était péremptoire. De quoi troubler l’érudit barbu que j’étais.

– Pourquoi dites-vous cela ?

– Blaise Pascal ne fumait pas la pipe, ne buvait pas, ne jouait pas, ne baisait pas. C’était un con. Un con de janséniste triste.

Si cet homme pensait vraiment ça, il s’agissait d’un idiot fini. J’eus un doute. Était-il sérieux ou plaisantait-il ?

Certaines personnes sondent leur interlocuteur d’un trait abrupt. C’est un bon moyen de savoir à qui on a à faire. Un étalonnage par l’esprit.

Les efforts inouïs de l’homme pour son agrément compensent ceux qu’il fait pour se détruire.

Ne sachant quel livre choisir, il fit les choses avec méthode. Commença par la lettre A, comme Aragon, puis B, comme Balzac, et ainsi de suite. Il ne lut pas tous les auteurs, mais beaucoup.

Au moment de quitter le lycée, il en était à la lettre R. Son dernier livre fut Les morts bizarres, de Jean Richepin. Peut-être que, en redoublant sa terminale, il aurait lu Zola. Mais tant pis pour les Rougon-Macquart. Il avait cerné la psychologie des héroïnes de Jane Austen, entrevu l’absurde chez Camus, plongé dans l’âme rue des Frères Karamazov, de Dostoïevski, et compris la beauté du monde dans les romans de Giono. Le reste n’était qu’une redite qui variait au gré des époques et de la nationalité des écrivains.

Là, dans cette bibliothèque, il apprit donc le monde des adultes. À la manière des livres.

Pourrais-je vivre ainsi ? Décider d’oublier un souvenir douloureux ? (…)

Je m’interroge. Oui, je pourrais tourner la page. L’oubli me ferait avancer plus vite. Mais pour aller où ? Dois-je privilégier le chemin ou la destination ?


La jeune veuve de La Fontaine :

La perte d’un époux ne va point sans soupirs.

Sur les ailes du temps la tristesse s’envole ;

Le temps ramène les plaisirs.

Entre la veuve d’une année

Et la veuve d’une journée

La différence est grande : on ne croirait jamais

Que ce fût la même personne.

– Les hommes ont le nez dans leurs causes. Ils ne perçoivent plus la vanité de leurs tourments. Les causes idéologiques sont pour moi un grand mystère.

Être chaque jour un nouvel homme. Ici et maintenant.

Un grand merci aux Éditions Alma pour m’avoir offert l’opportunité de découvrir ce livre en avant-première.

18 réflexions sur “La variante chilienne de Pierre Raufast

        • Pas si rare que ça. Enfin je parle du point de vue de mon expérience personnelle. Mais ça reste agréable. Cela étant, il faut bien avouer que cela révèle parfois des personnages désagréables (je ne citerai personne)…

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            • Effectivement, ça facilite. Exit l’époque où il fallait écrire à l’éditeur (ce que je n’ai jamais fait, au demeurant). A l’heure de l’Internet, beaucoup d’auteurs pianotent sur leurs claviers à l’affût de ce qui se dit d’eux et surtout de leurs œuvres… et certains n’hésitent pas à laisser des commentaires. Mais le plus souvent, l’échange se fait en privé, par mail ou sur les messageries des réseaux sociaux. Enfin, toujours du point de vue de mon expérience… Et toi, des contacts ?

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              • Non .. je l’ai fait avec des auteurs locaux il y a 20 ans quand je les voyais faire la promo de leur livre.
                C’est pas trop mon truc d’écrire à l’éditeur ..
                Oui tu as raison, les auteurs vont sur le net pour savoir ce que l’on pense de leur roman, c’est assez rigolo, et c’est sympa de laisser un commentaire .. les choses évoluent ;-)

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  3. « les variantes chiliennes » se sont imposées à moi par deux fois, la première c’était un cadeau, la deuxième dès la première ligne j’ai compris que ce livre ne me tomberait pas des mains.
    quel chance de découvrir qu’il existe aussi un autre roman de cet auteur, je me suis empressée de me le procurer.

    livres que je fais offrir souvent …

    Aimé par 1 personne

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