Présentation de l’éditeur : Isadora Duncan c’est la femme sauvage, celle qui peut répondre de ses actes, qui tous découlent d’une vision de la danse qu’elle semble porter depuis l’enfance et mûrir tout au long de sa vie. Célébrant le beau à la manière des Grecs antiques, Isadora Duncan dansait pieds nus, vêtue seulement d’une toge. Cela se passait à l’époque du corset en Europe et du puritanisme protestant en Amérique. Pourtant Isadora Duncan ne le vivait pas comme une provocation, qu’elle semble ignorer, mais comme un acte naturel, celui de la nudité en soi de l’époque hellène. Avant même le droit de vote des femmes, celle-ci s’émancipe et de l’Église et de l’État, en assumant ses maternités hors-mariage. Josépha Mougenot, jeune auteure, et Jules Stromboni, jeune et déjà réputé illustrateur – son Sherlock Holmes chez Casterman fut un succès et son Épouvantail chez le même éditeur est déjà en compétition à Angoulême – se sont réunis autour de leur passion commune pour la figure de cette femme exceptionnelle. L’écriture sensible de Josépha Mougenot et le trait vivant de Jules Stromboni opèrent une sorte de miracle : Isadora Duncan nous parle, racontant une enfance bohême et solitaire, même au sein de sa nombreuse fratrie. Le geste se devine, la voix chante, Isadora est dans le mouvement, au gré de ces pages. Elle ouvre la voie à la future danse contemporaine.
Éditions Naïve – 104 pages
En librairie depuis le 14 mars 2013.
Ma note : 3 / 5
Album cartonné : 23 euros
Depuis quelques années, les Éditions Naïve ont lancé la collection Grands destins de femmes dont l’ambition est de mettre en lumière, par le prisme du neuvième art, des portraits de femmes célèbres en s’attachant tout particulièrement à leur enfance et leur jeunesse, genèses souvent méconnues et fondatrices. Après avoir rendu hommage à Françoise Dolto, Virginia Woolf, Diane Fossey et Coco Chanel, c’est au tour d’Isadora Duncan d’avoir sa biographie dessinée. Le résultat, ici fruit du travail combiné de Jules Stromboni et Josépha Mougenot, est malheureusement très inégal.
Le dessin est le point fort de cet album. Le trait fluide fait plus qu’honneur au mouvement spontané et à l’harmonie gestuelle de la danse et de la nature, dimensions fusionnelles indissociables pour la danseuse américaine avant-gardiste qui posa les bases de la danse contemporaine. Les tons désuets – bichromie, crayon et lavis – replongent à la perfection dans l’époque fin XIXe / début XXe et leurs variations transmettent avec justesse les atmosphères des instants dépeints.
Le récit, quand à lui, n’est pas à la hauteur de la partie graphique et c’est regrettable. Le choix très classique d’une narration chronologique ne serait pas passé pour un cruel manque d’originalité s’il avait été inspiré et marqué par des émotions à la mesure de la destinée aussi étonnante que tragique de cette figure de proue du féminisme. Mais Mougenot s’est malheureusement contentée d’un enchaînement succinct de quelques étapes existentielles d’Isadora Duncan, faisant fi de composantes essentielles de la femme comme de l’artiste hors du commun. L’histoire ne se réduit au final qu’à une pâle introduction de la vie dissolue d’un esprit libre et bohème en marge de son temps. Exit donc sa bisexualité, son mariage avec un homme de 18 ans son cadet, les scandales de ses unions libres voire sulfureuses, de ses maternités hors mariages, de sa nudité sur scène ou l’importance de sa contribution révolutionnaire dans l’art de la danse, pour ne citer que quelques exemples. Sans compter les événements dévastateurs marquants de sa vie qui tombent comme des cheveux sur la soupe, réduisant à néant la puissance tragique de la destinée.
Si le concept de la biographie en bande dessinée à le vent en poupe ces dernières années et induit nécessairement un traitement dans les grandes lignes, il y a un pas entre résumer et faire abstraction qui a, ici, été largement franchi. Dommage !
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Un grand merci à Libfly et aux Éditions Naïve pour m’avoir offert l’opportunité de découvrir cette bande dessinée dans le cadre de l’opération La voie des indés.
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