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un passé en noir et blancPrésentation de l’éditeur : Un matin de janvier 2010, Peter Jacobs, journaliste et écrivain vivant à Londres, débarque à Alfredville, sa ville natale, qu’il a quittée depuis plus de vingt ans. Curieux de voir ce qu’est devenu ce gros bourg afrikaner depuis la fin du régime d’apartheid, et attiré par l’idée d’écrire une série d’articles sur l’assassinat de sa cousine, la belle et intelligente Désirée, mariée au chef de la police locale, Hector Williams. Un Noir. Aujourd’hui accusé du meurtre de sa femme. Motif : la jalousie évidemment. Que pouvait-on attendre d’une telle union ? s’indigne la rumeur publique. L’enquête de Peter va durer dix jours. Afflux de souvenirs, rencontres cocasses, constat du peu d’évolution des mentalités, notamment ches les Blancs, et surtout profond trouble affectif. Peter, qui vient de se séparer de son compagnon jamaïcain James, comprend, en retrouvant Bennie, son meilleur ami de jeunesse, que le lien qui les unissait était en réalité beaucoup plus complexe. Or Bennie, désormais policier,  dirige le commissariat en attendant le procès de Williams, et semble étrangement mêlé au meurtre. Devenu acteur malgré lui d’une affaire aux rebondissements multiples, Peter plonge dans une histoire bouleversante qui remet sa vie totalement en question, à commencer par ses rapports avec son pays. Sera-t-il un éternel expatrié ?

Traduit de l’anglo-sud-africain par Françoise Adelstein.

Éditions Philippe Rey – 318 pages

Depuis le 10 mai 2013 en librairie.

Archive du blog Gwordia

Ma note : 4 / 5

Broché : 20 euros

Le parti pris des Éditions Philippe Rey – que j’apprécie davantage à chaque nouvelle lecture – est d’en appeler à la curiosité du lecteur par le biais de la publication d’auteurs de tous horizons, majeurs ou inédits en France. Fidèle à cette volonté éditoriale d’ouverture sur le monde, cette toute nouvelle parution nous conduit au coeur de l’Afrique du Sud.

Émigré depuis vingt ans à Londres pour ne pas risquer sa peau sous les drapeaux, Peter, journaliste homosexuel fraîchement célibataire, décide d’un retour au pays natal dans le but de chroniquer le meurtre de sa cousine. Si la communauté s’accorde à penser qu’un crime était l’inexorable aboutissement d’une union mixte, tout n’est pas aussi simple…

Précision nécessaire aux férus de polars : cette enquête, quoique menée et résolue comme il se doit, n’est qu’un prétexte. Si suspens, rebondissements et surprenant dénouement sont au rendez-vous, Un passé en noir et blanc est avant tout le portrait d’une Afrique du Sud post-apartheid. Clivages communautaires, condition homosexuelle, insécurité, corruption… Le protagoniste observe, compare passé et présent et tente de comprendre ce pays qu’il a quitté. Mais davantage que l’examen de la trajectoire surprenante d’une nation et de ses peuples entre deux époques, c’est une véritable réflexion sur l’appartenance à une patrie. L’auteur raconte entre les lignes avec brio la dichotomie de l’individu partagé entre deux nations, deux cultures : émigré d’un côté, immigré de l’autre, il est finalement apatride et devient étranger à la notion de « chez soi ».

Entre humour et tragédie, Michiel Heyns offre une analyse pertinente d’un pays produit de son histoire en évitant le facile écueil de la caricature ou du manichéisme, dépeint des personnages entiers et authentiques, érige une intrigue captivante et livre un questionnement intelligent sur les racines. Un roman subtil qui, à l’image du héros, invite au retour sur soi, à l’introspection. Un roman surtout engagé, qui dénonce la bêtise et clame haut et fort son appel à la tolérance et à l’égalité sous toutes leurs formes.

Du 18 au 20 mai, l’auteur participera à la mise en avant des voix d’une « Afrique qui vient » à l’occasion du Festival Étonnants Voyageurs de Saint-Malo dont l’Afrique du Sud sera l’invitée d’honneur.

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La saison des adieux de Karel Schoeman, La plantation de Calixthe Beyala, Une saison blanche et sèche d’André Brink, Ces âmes chagrines de Léonora Miano, Bamako Climax d’Elizabeth Tchoungui, Sang mêlé ou ton fils Léopold d’Albert Russo, Un fusil dans la main, un poème dans la poche d’Emmanuel Dongala, Loin de mon père de Véronique Tadjo, Celles qui attendent de Fatou Diome…

Extraits :

Ici, c’est l’Afrique, qui n’a pas fini de régler ses comptes avec l’Histoire, aux prises avec la chaleur et la sécheresse, les inondations et la famine, qu’elle affronte avec le même stoïcisme et la même inefficacité que tous ses autres malheurs.

Si je veux être fidèle à ma résolution de courir tous les matins, c’est le moment. Je tente de me persuader que courir maintenant serait de l’excès de zèle, que j’ai bien droit à une journée de repos, que je ne dois pas soumettre mon organisme à tant de chocs en si peu de temps, que c’est probablement mauvais pour moi, mais le pion incrusté dans ma cervelle qui surveille mon mode de vie, en quelque sorte le double de ma conscience – moi le rejeton hybride de l’éthique calviniste de ma mère et de la folle énergie juive de mon père – ne l’entend pas de cette oreille. Sors et va courir, m’intime le pion, ce ne sera pas plus facile demain.

J’obéis. Je sais d’expérience que l’inconfort moral suscité par le refus d’obéir à ces adjurations l’emporte sur la satisfaction à court terme.

« (…) Comme on dit, mélanger de la bouse de vache avec de la glace ça n’améliore pas la bouse, mais c’est sûr que ça pourrit la glace. » Elle s’écroule de rire. Mon sourire est un peu coincé, mais je ne veux pas faire tout un plat à propos de cette vieille blague raciste. Joy exprime probablement ce que pense une grande fraction des Blancs d’Alfredville (…).

N’est-ce pas ce que je recherchais, ce compagnonnage simple, retrouver quelque chose du Bennie d’antan ? Non, je sais qu’il ne s’agit que d’âneries sentimentales. On ne retrouve pas plus les sentations simples que les amitiés perdues.

Suis-je vraiment si inconstant ?

Je sais que je parais condescendant mais je ne suis pas habitué à un tel étalage de sentiments. Dans mon milieu, l’ironie est de mise.

Il se protège les yeux du soleil encore bas, cherche à me voir. Une impulsion bizarre me pousse à ne pas crier pour attirer son attention : il y a quelque chose de si intime à regarder quelqu’un qui ne se sait pas regardé.

– (…) on ne connaît rien à la jalousie si on croit que la chronologie a de l’importance.

Un grand merci aux Éditions Philippe Rey pour m’avoir offert l’opportunité de découvrir ce livre en avant-première.

2 réflexions sur “Un passé en noir et blanc de Michiel Heyns

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